Le monde manque de tout. Les porte-containers s’agglutinent devant les ports. Les goulots s’étranglent. Les chaînes de production sont à l’arrêt. Les fabricants d’automobile revoient à la baisse leurs objectifs de production. Les équipes du Tour de France craignent de ne pas disposer de suffisamment de pièces détachées pour la prochaine édition.
Depuis trente ans, on ferme des usines dans les pays riches pour trouver des coûts plus bas en Chine ou ailleurs. Avec les usines, les hommes et les savoir-faire ont souvent disparu. Les craquelures étaient apparues en Europe pendant la première vague du covid : pénurie de masques, de lits, d’équipements médicaux et de vaccins.
Avec le retour post-covid de la demande, les craquelures sont devenues des failles. L’industrie automobile a été la première touchée fin 2020 avec la pénurie de semi-conducteurs. Puis ont suivi l’électro-ménager, les jouets, le matériel de bricolage, le bois. La globalisation marque le pas, le rôle d’atelier global de la Chine est remis en question alors que l’Amérique et dans une moindre mesure l’Europe s’interrogent sur leur dépendance aux bas coûts chinois.
Dans ce contexte, le Japon, comme d’ailleurs la Corée du Sud ou Taiwan, font figure d’outsiders. Bâtis sur un modèle confucéen, ils ont résisté aux chants des sirènes de la délocalisation et conservé chez eux l’essentiel de leur industrie et de son écosystème (chaînes logistiques, sous-traitants etc.). Ils ont maintenu une activité de R&D dans les secteurs de pointe et dans le même temps conservé leurs usines dans des secteurs plus traditionnels en dépit de leur faible profitabilité.
Le Japon, mauvais élève de la globalisation, pourrait paradoxalement se trouver dans une situation très favorable dans le contexte actuel. Les industriels ont résisté à la déflation depuis l’implosion de la bulle immobilière et boursière des années 80. De nombreux acteurs ont maintenu des niveaux de profitabilité honorables dans un environnement de baisse des prix annuels de l’ordre de 5 à 15%, tout en continuant d’investir.
Un exemple emblématique est Fanuc. Les marges opérationnelles sont bien en-dessous de leur moyenne historique. Depuis cinq ans, selon les analystes, Fanuc surinvestit aux dépens de ses dividendes. Fanuc fabrique des robots et des systèmes d’automation connectés, ingrédients indispensables à l’ensemble du secteur manufacturier pour pallier les manques de main d’œuvre qualifiée. Leur carnet de commandes est plein et devraient le rester pour quelques années.
Dans un monde de pénurie, les rapports de force entre l’offre et la demande s’inversent. L’Asie du Nord bénéficie d’une offre manufacturière intégrée en parfait état de marche avec une expertise forte sur les thèmes du moment : automation, digitalisation, transition énergétique. Selon un excellent article du Monde daté du 1er novembre signé de Béatrice Madeline sur la réindustrialisation, le mot « usine » n’est plus un gros mot en France* . Au Japon il ne l’a jamais été.
* https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/11/01/quand-usine-n-est-plus-un-gros-mot-en-france-la-lente-resurrection-de-l-industrie_6100529_3234.html
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