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Changement de tempo sur la Bourse de Tokyo

Guillaume Dupuy d'Angeac • Apr 14, 2021

Au pays du consensus, les OPA sont rares et souvent chères ...

Au pays du consensus, les OPA sont rares et souvent chères pour les acheteurs, surtout quand ils sont étrangers. Le système co-géré par le Gouvernement, le Ministère des Finances et les grandes institutions financières hait le mouvement qui fait bouger les lignes. On a vu passer la semaine dernière trois annonces d’offre de rachat de grands groupes japonais bien calfeutrés dans un réseau de participations croisées qui semblent indiquer un changement de tempo.


CVC, un fonds anglais de Private Equity, offre une prime de 30% sur le cours actuel de Toshiba, ce qui valoriserait le groupe à 2300 Milliards de Yen soit 20.8 Milliards de Dollars. La prime est moins généreuse qu’il n’y paraît. CVC vise sans doute le joyau de la couronne Kioxia Holdings, l’ex-division semi-conducteurs toujours détenue par le groupe à hauteur de 40%. 


Kioxia, un des principaux producteurs de NAND Flash et autres semi-conducteurs en situation de pénurie depuis quelques mois est très courtisée ces derniers temps avec des offres avancées de la part d’acteurs financiers et industriels. Micron et Western Digital auraient fait des offres de rachat valorisant Kioxia à 3300 Milliards de Yen. Dans ce contexte, certains analystes assignent à Toshiba une valorisation de 2800 Milliards de Yen en additionnant les différentes divisions.


La décote du groupe s’explique par son histoire récente. Depuis 2015, Toshiba apparaît souvent à la une des journaux où le groupe est passé de la section économique à la rubrique judiciaire : fraudes comptables à répétition, pertes abyssales dans le nucléaire américain et empoignades régulières avec des fonds activistes. 


L’offre de CVC est à remettre dans le contexte local. Interrogé sur l’opération, le porte-parole du Gouvernement a montré une parfaite maîtrise de la langue de bois : « Il est important que l’on établisse et maintienne une structure de management qui puisse continuer solidement l’activité «. Rien n’est simple et tout se complique avec l’entrée dans la danse ce matin de KKR. 


Au Japon, comme dans la Sicile du Guépard, pour que tout change, il faut que rien ne change. A défaut de changer, cela bouge. Bain a annoncé, la semaine dernière, une offre sur la filiale métaux du groupe Hitachi autre membre emblématique du système. Berkshire Hathaway vient d’émettre des obligations dénominées en Yen ce qui augure d’une deuxième campagne de prises de participations sur la Bourse de Tokyo. Buffett a fait sa première incursion au Japan en 2020 avec une salve d’achats d’un montant total de 6 Milliards de Dollars sur les sociétés de négoce : Mitsubishi Corp, Sumitomo Corp, Mitsui & Co, Itochu et Marubeni il y a un an. 


Depuis l’éclatement de la bulle, les investisseurs étrangers prêchent, exigent ou espèrent sans succès une évolution des pratiques de management au Japon. Ils semblent revenir aujourd’hui en ordre dispersé pour une autre raison : une appareil industriel en état de marché sur des valorisations "normales". Le Japon a, en fin de compte, survécu à une nombre incroyable de crises financières et de calamités naturelles en ne changeant rien -ou si peu. Le pays, peu perméable aux diktats des coupeurs de coûts, a conservé sur son sol, en dépit de sa faible rentabilité, un système de production local de qualité bien intégré avec le reste de l’Asie. Le Japon éternel se retrouve mécaniquement bien placé dans un monde où le capitalisme occidental, incapable de subvenir à ses besoins en test, en vaccins, en semi-conducteurs, en batteries découvre brutalement, avec le choc du Covid, les limites de la globalisation et de son corollaire : la désindustrialisation. 


La bulle japonaise a éclaté il y a trente ans. S’agit-il d’un cycle de type Kondratiev ? Ou bien d’un moment schumpeterien à l’issue duquel le Japon atypique serait à même, sans l'avoir vraiment cherché, de récolter les dividendes d’une grande vague de destruction pas toujours créatrice que l’Occident, au nom du fondamentalisme de marché, vient de s’infliger à lui-même ?


L'incertitude pèse toujours sur la tenue des Jeux Olympiques au Japon. En revanche, sur la Bourse, la course aux bonnes affaires semble bien partie.

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