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Ping-pong Chine-US 0-0

Guillaume Dupuy d'Angeac • May 10, 2021

Ping-pong Chine-US 0-0

Les chiffres de l’emploi américain, publiés ce vendredi, ont suggéré que la surchauffe et l’inflation n’étaient pas au coin de la rue. La thématique de reprise rapide qui régit les marchés depuis mi-février a entraîné un mouvement de rotation massif des secteurs de croissance vers des secteurs cycliques et « value ».


Le nouveau paradigme était simple : toutes les bonnes nouvelles étaient dans les cours des valeurs de croissance et toutes les mauvaises dans les secteurs cycliques. Les nouvelles de hausse de prix des semi-conducteurs et autres composants et matériaux industriels encourageaient un feu inflationniste et une tension sur les taux longs. Les marchés obsédés par les hausses de prix avaient tendance à sous-estimer leur impact négatif sur la production industrielle (et donc la croissance) : la conséquence première de la pénurie des semi-conducteurs est l’arrêt des chaînes de production dans l’automobile et l’électro-ménager. 


Dans le cas des semi-conducteurs, certains attribuent une partie de la pénurie actuelle à l’embargo américain. Celui-ci a stoppé net les plans d’investissements des fabricants chinois en leur interdisant l’accès aux équipements de fabrications (SME*), pré-carré américain et japonais. Les plans de relocalisation de la fabrication vers les États-Unis annoncés en fanfare par Joe Biden n’auront aucun effet avant trois ans, vu les délais de construction.


La rhétorique antichinoise de l’administration américaine est doublement contre-productive : elle pénalise l’industrie américaine. De plus, loin de faire fléchir Xi Jinping, elle le précipite dans une surenchère dangereuse avec une agressivité très explicite (manœuvres navales, tirs de missiles, survol par des avions militaires) à l’égard de Taiwan. La petite île de Taiwan est selon la Chine Populaire une partie intégrante du pays provisoirement détachée de l’Empire par les aléas de la Guerre Froide. C’est aussi un acteur clef, au niveau global, dans l’industrie des puces. Taiwan abrite TSMC qui domine sur les prochaines générations ainsi que de nombreux acteurs-clefs dans les composants électroniques, capteurs, LED etc., indispensables à tout l’écosystème industriel. 


L’accès aux technologies de pointe est un enjeu stratégique pour le Parti Communiste Chinois. L’embargo américain a entraîné une crise grave qui pénalise tous les acteurs : manque à gagner pour les équipementiers semi-conducteurs américains comme AMAT, européens comme ASML et japonais comme TEL, mise à l’arrêt de lignes de production dans l’automobile globalement.


Le serpent commence à se mordre la queue avec des équipementiers, eux-mêmes gros consommateurs de semi-conducteurs, pénalisés par la pénurie. Une agression sur Taiwan, vague projet à long-terme il y a un an, est devenue soudainement une option logique pour une Chine asphyxiée sur le plan technologique. 


Joe Biden connaît très bien Xi Jinping qu’il a souvent rencontré comme Sénateur et comme Vice-Président. Il l’a montré dans une attaque récente en soulignant qu’il n’y avait pas chez lui une once de démocratie. Cette attaque a sans doute été perçue comme un compliment par le dirigeant chinois. Celui-ci, malgré les échanges de noms d’oiseaux lors du premier sommet sino-américain organisé en Alaska en mars, a participé au sommet sur le réchauffement climatique organisé par Joe Biden.


Pour des raisons électorales, Joe Biden ne pouvait pas se distancer soudainement de la position maximaliste antichinoise adoptée par Trump. Les dégâts collatéraux sur l’activité industrielle et les surenchères militaires chinoises indiquent clairement qu’il n’y a pas grand-chose à gagner et beaucoup à perdre dans ce conflit. L’évocation d’une nouvelle guerre froide est inappropriée pour le moment : la Chine, au contraire de l’URSS d’antan ou de l’Amérique d’aujourd’hui est en effet un Empire intérieur. Ses agressions extérieures sont rares et peu concluantes. 


Biden est un pragmatique. Il n’a rien à faire dans une situation dangereuse et perdante pour les deux parties. Sa priorité est la reprise économique américaine. La participation de Xi Jinping au sommet climatique est un petit pas dans la bonne direction pour un retour au calme. Rappelons que la reprise des relations entre la Chine de Mao et l’Amérique de Nixon s’est amorcée par un tournoi de ping-pong. 


Pénurie de semi-conducteurs, craintes sur les taux et tensions sino-américaines ont impulsé les vents dominants sur les marchés financiers sur le dernier trimestre. Un retour à la normale pourrait inverser les tendances récentes. Les valeurs chinoises ont sérieusement corrigé et nous paraissent attractives aux niveaux actuels. Il en va de même pour de nombreuses valeurs de croissance moyennes américaines.

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