Kyoto est la ville des temples et des jardins. Il y a également la cuisine Kaiseki servie dans une myriade de porcelaines précieuses fabriquées localement en harmonie avec les couleurs et les formes des mets. Certaines fabriques continuent à servir les nombreuses maisons de thé de la vielle ville. D’autres, comme Kyocera (pour Kyoto Ceramic) ou Murata sont passées à autre chose : les applications électriques dans un premier temps puis à partir des années 70, l’électronique.
Kyoto sous ses airs de belle endormie, abrite une bonne partie des fleurons de la Bourse Japonaise. L’ancienne capitale a su développer une culture entrepreneuriale locale à l’abri des oukases du mythique MITI et des banques de la capitale. Les affaires se font en famille autour d’un CEO charismatique et visionnaire avec un équilibre bien dosé entre innovation et conservatisme, excellence manufacturière et attention aux marges et satisfaction des employés. Les investisseurs sont reçus le plus souvent dans des bâtiments industriels. Les responsables sont vêtus de blousons gris et récitent des présentations déprimantes où les chiffres et les ratios défilent de façon monotone. Ils ne se prononcent jamais, la situation est toujours délicate, les concurrents baissent les prix, le pays va mal. Les non-initiés ont envie de repartir en courant.
Ils auraient tort. Kyoto Inc. va bien et les grandes sociétés industrielles de la ville comme Omron, Horiba, Nidec, Rohm, Murata, Kyocera ont de beaux jours devant elles avec un portefeuille de technologies redéployé vers les véhicules électriques, les composants de téléphone portable, les robots et les équipements médicaux de pointe. Les marges sont entre 10 et 15% et les portefeuilles d’activités souvent perçus comme trop diversifiés par les analystes anglo-saxons permettent d’arrondir les caps et de maintenir une croissance stable entre 5 et 10% par tous les temps. Cette croissance pourrait s’accélérer dans les années à venir face à un occident qui a délocalisé ses usines et ses savoir-faire, vers l’Asie. Tous les signaux sont au vert pour les compétences manufacturières des groupes de l’ancienne capitale.
Le patron de Nidec, le légendaire Shigenobu Nagamori vient d’opérer un redéploiement stratégique sur les moteurs pour véhicule électrique. Selon lui, le prix des voitures électriques va s’établir à $3000 et il se prépare pour une guerre des prix sur les moteurs. Nidec a rencontré et relevé avec succès les mêmes défis pour les micro moteurs. De son côté, Murata positionné essentiellement sur les portables parie également sur le véhicule électrique et autonome.
Les ingénieurs d’Apple devront faire étape à Kyoto si et quand leurs projets de voiture se confirment. Dans le même esprit, on a vu Jeff Bezos disputer une partie de ping-pong avec le robot Forpheus développé par Omron pour montrer sa capacité à développer des robots capables d’interagir avec des humains et à anticiper leurs mouvements.
Quand la nuit tombe sur Kyoto, ce ne sont pas les touristes, mais les cadres et les clients de ces grands groupes qui viennent se détendre dans les maisons de thé du vieux quartier des plaisirs de Gyon quasiment inchangé depuis deux siècles. La modernité s’estompe et vient rejoindre et soutenir la tradition. Il y a là une circularité et une harmonie inspirantes. Selon Fukuzawa, le grand penseur du Japon moderne, le pays ne devait pas copier servilement un modèle anglo-saxon mais seulement en adapter les meilleures pratiques et outils pour renforcer son identité et son originalité. Mission accomplie à Kyoto : on peut être un cadre globalisé dans la journée et pratiquer l’éloge de l’ombre quand la nuit tombe.
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